(1898-1960)
L’anesthésiologie canadienne doit beaucoup à ces pionniers qui, au début du siècle, pratiquaient à l’extérieur des grands centres universitaires. William Webster, de Winnipeg, a mené la première génération de ces pionniers; Beverly Charles Leech, qui a pratiqué à Regina de 1925 à 1956, a fait partie de la seconde génération. Président de la Société canadienne des anesthésistes de 1948 à 1949, il a beaucoup contribué à assurer que les normes d’anesthésie en Saskatchewan, de même qu’à Regina, soient à la hauteur de celles atteintes n’importe où à l’extérieur des principaux centres d’enseignement. Ses contributions ne sont pas oubliées à ce jour : une conférence annuelle et une médaille sont deux des commémorations de son travail en Saskatchewan.
Le Dr Leech est né à Brandon, au Manitoba, le 9 mai 1898. Ses années d’études à Regina et à Brandon ont été suivies d’un service militaire en temps de guerre au rang de lieutenant d’infanterie. Encore jeune homme, il a ensuite fait ses études de médecine à l’Université McGill et a obtenu son diplôme en 1925. Il est rentré aussitôt à Regina pour devenir, en 1929, directeur du Département d’anesthésie de l’Hôpital Regina General. Le Dr Leech était un administrateur habile, avec des idées bien arrêtées sur la gestion d’un département d’anesthésie. Dans les « sales années 1930 », de nombreux hôpitaux de l’Ouest canadien employaient des médecins salariés pour effectuer des anesthésies et, dans ces circonstances, peu de bons médecins étaient attirés par cette spécialité. Le Dr Leech a fait valoir que les soins anesthésiques pouvaient et devaient être administrés de façon efficace et éthique par des médecins pratiquant indépendamment d’un tel système. Son rôle dans l’instauration et le maintien de normes professionnelles élevées a porté ses fruits et la norme et le statut de l’anesthésie, qui font la fierté des anesthésistes d’aujourd’hui en Saskatchewan, sont attribuables en grande partie aux efforts du Dr Leech.
Mais le Dr Leech était principalement un anesthésiste clinique. Soucieux de fournir une bonne anesthésie à une époque où les relaxants n’étaient pas encore administrés, il préférait l’utilisation de la procaïne pour les anesthésies rachidiennes et du cyclopropane pour l’anesthésie générale. Les deux techniques avaient leurs opposants, auxquels le Dr Leech a adressé une réplique dans deux articles fondés sur sa vaste expérience et publiés en 1934.
Le Dr Leech a inventé un appareil ingénieux pour faciliter l’administration du cyclopropane. Le problème : réussir à administrer le cyclopropane, un gaz inflammable, dans un circuit fermé sans fuites, à une époque où l’intubation trachéale était encore peu courante. La solution : la « méthode d’administration du gaz par ballon pharyngé ». L’appareil : un bouchon à bulbe en caoutchouc, au centre creux permettant le passage des gaz, et dont la forme « permet aux tissus du pharynx de se détendre sous anesthésie chirurgicale, de façon à créer un système parfaitement hermétique aux pressions gazeuses habituelles lors de l’administration du mélange gazeux anesthésiant ».
À la fin des années 1930, le Dr Leech était bien connu aux États-Unis et au Canada. C’est alors que pour une seconde fois, le monde entier a été plongé dans la guerre et que pour la seconde fois, le Dr Leech s’est engagé. Il a été assigné au poste d’officier commandant de la 10e Ambulance de campagne du Canada de l’Hôpital général canadien no 5 de 1942 à 1944 et de directeur adjoint des Services de santé de la 2e Division canadienne en 1944. Il a servi avec distinction et l’Ordre de l’Empire britannique et la Légion d’honneur comptent parmi les décorations qui lui ont été décernées. Le rapport de 1943 du Dr Leech sur les soldats canadiens blessés ou tués au cours du raid de Dieppe en 1942 est un reflet intéressant et émouvant de son service militaire en temps de guerre. Dans cet article, où il souligne l’importance du thiopental sodique et du cyclopropane entre des mains expertes et de l’éther entre des mains moins compétentes, il a exprimé l’espoir que « l’administration des anesthésiques dans l’Armée ne soit jamais laissée à quiconque n’est pas diplômé d’une faculté de médecine ».
Une fois la guerre terminée, le Dr Leech est rentré à Regina où il a continué à se distinguer. C’est à juste titre que l’homme qui a été le premier anesthésiste de la Saskatchewan à obtenir sa certification du Collège royal (en 1943) ait été le premier Saskatchewanais à en assumer la présidence. Il avait bien mérité cette récompense.
Le Dr Leech a quitté Regina en 1956 pour s’établir à Nanaimo, en Colombie-Britannique. Il a continué d’y mériter le respect qu’on lui avait toujours témoigné et de profiter de la popularité dont ce Canadien aimable à la personnalité en or avait toujours joui. Il est décédé en 1956, à l’âge de 61 ans. Il n’aurait voulu d’autre hommage que celui de savoir qu’en tant que pionnier, il avait ouvert la voie qui faciliterait pour ses successeurs la pratique de l’anesthésie selon des normes qu’il n’a jamais manqué d’atteindre..
David A.E. Shephard MB FRCPC, Saskatoon
CAN J ANAESTH 1990 / 37:6 /p.689