Dr William Marsden

(1807-1885)

À l’époque qui précède la création du Canada à partir de l’union du Haut et du Bas-Canada, les médecins devaient être polyvalents aussi bien que compétents pour réussir. Certains d’entre eux étaient si polyvalents qu’ils auraient réussi dans n’importe quel domaine de la médecine, et même dans n’importe quelle profession si leur choix de carrière avait été différent. Il n’est donc pas étonnant que ces généralistes aient été si remarquablement compétents dans l’administration d’anesthésiques aux premiers jours de ce nouveau domaine de la médecine. Chacun était pionnier et la résolution de problème faisait partie de la routine quotidienne. C’est ainsi que E.D. Worthington, de Sherbrooke (dépeint plus tôt par Holland dans Can 1 Anaesth 1990; 37: 250), a résolu le problème de pénurie d’inhalateurs d’éther commerciaux en 1847, en fabriquant un appareil lui-même à partir d’éléments primitifs, mais disponibles, tels qu’une vessie de bœuf et une poignée de parapluie. Les centres médicaux de Boston, Londres, Édimbourg et Paris étaient très éloignés et il était essentiel, dans les années 1840, de pouvoir puiser dans ses propres connaissances intellectuelles et techniques afin d’administrer des anesthésiques de façon sécuritaire et efficace. Le Dr William Marsden, qui exerçait lui aussi au Québec, a compté parmi les médecins de cette trempe qui, tout comme le Dr Worthington, a été l’un des premiers au Canada à administrer du chloroforme.

Le Dr Marsden est né en 1807 dans le Lancashire, en Angleterre, et est venu au Québec en 1812. Il a pratiqué dans la ville de Québec pendant plus d’un quart de siècle et, ce faisant, il s’est élevé au plus haut rang de sa profession. Il a brillé dans tout ce qu’il a entrepris. Auprès des étudiants de l’Université Laval, il était reconnu pour son enseignement qui portait sur une variété de sujets tels que la botanique, l’anatomie et la physiologie, la thérapeutique et la chirurgie. À cette époque d’épidémies, il était reconnu parmi les médecins pour son talent littéraire qui lui a permis d’écrire un « Essai sur la contagion, l’infection, la transmissibilité et la communicabilité du choléra asiatique en conditions de quarantaine, y compris l’histoire de ses origines et de son évolution au Canada depuis 1832 » (un talent pour la circonlocution était de toute évidence un élément de leur polyvalence). Le Dr Marsden était également connu au sein des organisations médicales : en plus d’avoir siégé à titre de président et de gouverneur principal du Collège des médecins et chirurgiens du Québec pendant de nombreuses années, il a présidé la Société médicale du Québec au cours de l’année mémorable de 1867 où il fut l’initiateur de la création de l’Association médicale canadienne cette même année. Il trouva aussi le temps d’être membre de la Société médicale de Londres et de la Société de botanique médicale de Londres. Et, après l’introduction du chloroforme, le Dr Marsden, grâce à sa grande polyvalence, a pu contribuer très tôt et de façon utile à la compréhension de cet anesthésique.

Comme beaucoup de ses collègues, le Dr Marsden s’est immédiatement intéressé à l’anesthésie. Bien qu’il n’ait pas été le premier dans le Bas ou le Haut-Canada à administrer du chloroforme – le Dr Worthington de Sherbrooke l’avait déjà fait le 24 janvier 1848 – le Dr Marsden a été le premier à en décrire aussi clairement les effets, et ce dès le 15 février 1848, suite à l’administration de chloroforme à deux patients le 4 février 1848.

L’expérience du Dr Marsden l’a mené à conclure que « le résultat […] établit pleinement l’utilité de cette découverte inestimable ». À ce stade aussi précoce de l’évolution de l’anesthésie, la confirmation de l’efficacité du chloroforme était indispensable et le Dr Marsden, qui était une personnalité très respectée de la médecine, a apporté cette confirmation.

En écrivant au sujet du Dr Marsden, A.D. Kelly, un ancien secrétaire de l’Association médicale canadienne, a cité les dernières phrases d’une prière écrite par Sir Francis Drake : « Ô Seigneur, lorsque Tu nous donnes, à nous tes serviteurs, l’ambition d’entreprendre de grandes choses, donne-nous aussi la capacité de reconnaître que ce n’est pas le début, mais la poursuite de l’effort continu, jusqu’à l’accomplissement, qui procure réellement la gloire ». Bien que l’histoire attache beaucoup d’importance aux premières, en anesthésie, comme dans d’autres domaines de l’activité humaine, la gloire provient en effet de la persévérance nécessaire pour établir la validité et l’utilité de nouvelles découvertes. Et ainsi, la gloire est donnée à juste titre au Dr William Marsden car en poursuivant l’étude de l’anesthésie après son introduction, il a contribué à jeter les bases de la médecine que nous pratiquons aujourd’hui – le « grand œuvre » que nous prenons si souvent pour acquis, en oubliant tout le travail qui a été réalisé par les pionniers d’autrefois.

David A.E. Shephard MB FRCPC
CAN J ANAESTH 1992 / 39; 5 / p.512